4è de couverture de : Sucre Amer - 1968, une révolution en chansons et musiques
Je me souviens de vous, je me souviens de nous, je me souviens de tout, et de ces affiches qui fleurissaient : Sous les pavés la plage ; Vos rêves les plus fous ne sont pas à la taille de nos espérances ; Salaires légers chars lourds ; La police à l’ORTF la police est chez vous. C'était un temps désespéré où le rêve et l'espérance se heurtaient au cynisme et à l'indifférence des pouvoirs. Je me souviens de Paco Ibanez chantant : La poésie est une arme chargée de futur, de Renaud et son Crève salope, de Colette Magny jetant son blues sur la misère des hommes, de Léo Ferré et son Ni Dieu ni maître, de Claude Nougaro posant son Bidonville sur le désespoir des exclus, de Country Joe Mac Donald à Woodstock, de Brigitte Fontaine et sa folie dans laquelle je me reconnaissais. Je me souviens de tous. Sur les murs j'avais écrit : "Ils ont la matraque, nous avons l'espoir". Nous, nous étions là où les hommes souffraient, avec Martin Luther King et Mandela, et avec tous ceux qui voulaient l'égalité entre les hommes. Nous étions frères d'Allende et de Victor Jara. Nos poètes s'appelaient Pablo Neruda, Allen Ginsberg, Keith Barnes. Lennon chantait Give Peace a Chance. Jack Kerouac nous abreuvait de sa route. Nous pleurions Jan Palach et les suicidés de Prague. Je me souviens de tous, des refuzniks, de Ravi Shankar, Bob Dylan, Georges Harrison, Ringo Starr, chantant contre le génocide du Bangladesh et de Paul Kantner dénonçant dans Terre Mère, les crimes écologiques. Je me rappelle ces américaines réclamant l’égalité "homme femme", Sacco et Vanzetti nous revenant plein cœur dans une chanson de Joan Baez. Je me rappelle une musique qui se réinventait et un Folk Song qui portait la bonne parole. Je me souviens de vous, je me souviens de tout. Je me souviens de ceux qui sont partis et de ceux qui restent. Je me souviens d'un temps où l'éthique voulait prendre le pouvoir. Encore parfois je rêve.
La spécificité de ce livre est de s'intéresser à cette décennie, non du seul point de vue Franco-Parisien qui prédomine actuellement le limitant à des manifestations à Paris, mais en rappelant les sources d'une revendication humaniste mondiale qui a ébranlé le monde de la Californie à Tokyo, en révélant, de chanson en chanson, les sources d'une parole engagée pour les droits de l'homme et l'écologie. Cette parole, née avec le blues des années 20, puis acheminée par le folk et la Pop Music des sixties, a généré une idéologie subliminale qui, sans être le fruit d'une revendication construite et structurée, s'est substituée aux discours des partis politiques, sans même que la plupart des acteurs de 68 en soient véritablement conscients.
Sucre amer - Jean-Michel Sananès - Éditions Chemins de Plume - Roman - Prix (14 € + 2 € participation frais de port) : 16 €